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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/239

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BLAISE PASCAL ET JOSEPH BERTRAND.

sur les sections coniques. » Car on ne pourra oublier que celui qui rapporte cet exemple de précocité merveilleuse fut aussi, voilà presque soixante ans, un enfant prodigieux. Joseph Bertrand concourut à onze ans avec les jeunes gens qui se présentaient à l’École polytechnique et satisfit à toutes les épreuves. Ce souvenir suffira, je pense, à rendre assez touchante la page qui commence par ces mots : « Les courbes étudiées par Pascal étaient les sections du cône à base circulaire, c’est-à-dire la perspective d’un cercle. »

En résumé, et pour ne pas tourner plus longtemps autour d’un sujet dans lequel je ne saurais entrer, voici de quelle manière M. Joseph Bertrand juge Pascal comme géomètre et comme physicien, en le comparant à l’esprit le plus étendu et le plus embrassant des temps modernes :

Pour Pascal, comme pour Leibniz, dans l’histoire des sciences, la renommée est supérieure à l’œuvre, et c’est justice ; car le génie est supérieur à la renommée ; l’abondance chez eux n’égale pas la richesse. Les mathématiques furent pour eux un divertissement et un exercice, jamais l’occupation principale de leur esprit et moins encore le but de leur vie.

Avec même profondeur et égale aptitude, leurs esprits étaient dissemblables. Leibniz, curieux de tout, excepté des détails, proposait des méthodes nouvelles, laissant à d’autres le soin et l’honneur de les appliquer. Pascal, au contraire, veut tout préciser ; les résultats seuls l’intéressent. Leibniz découvre l’arbre, le décrit et s’éloigne. Pascal montre les fruits sans dire leur origine. Si les difficiles problèmes résolus par Pascal s’étaient offerts à l’esprit de Leibniz, après en avoir résolu quelques-uns,