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PRÉFACE.

connaissaient. Il avait l’esprit des grandes affaires, et son attention infatigable ne négligeait pas les plus petites choses. Nous aimions son bon rire, sa gaieté, sa franchise et jusqu’à sa brusquerie. Car dans sa brusquerie même il gardait toute la délicatesse de son cœur. Il était sûr, fidèle, obligeant. Il aimait à faire plaisir. Et, tout engagé qu’il était dans de vastes entreprises, il s’intéressait aux moindres affaires de ses amis. Un grand éditeur est une sorte de ministre des belles-lettres. Il doit avoir les qualités d’un homme d’État. M. Calmann Lévy possédait ces qualités. Il était toujours bien informé. Il connaissait admirablement, à son point de vue, toute la littérature contemporaine. Il savait sur le bout du doigt ses auteurs et leurs livres. Il faisait preuve d’un tact parfait dans ses relations avec les hommes de lettres. Avec une entière bonhomie il saisissait les nuances les plus fines. Il était admirable pour contenter les grands et pour encourager les petits. En vérité, c’était un bon ministre des lettres.

Mais ce qui donnait un charme singulier à son mérite, c’était la modestie avec laquelle il