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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/241

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BLAISE PASCAL ET JOSEPH BERTRAND.

recouvre. Mais dans le jeu infiniment varié des formes sous lesquelles l’univers apparaît à notre âme étonnée, ses lois, toujours certaines, gouvernent la matière qui sommeille et la matière qui s’anime, le cristal et l’homme, la terre et les astres. Elle règne dans la beauté des femmes, dans l’harmonie des musiques, dans le rythme des poésies et dans l’ordre des pensées. Elle est la mesure de tout En elle est le mouvement ; en elle la stabilité. Heureux qui suit longtemps le bel ordre de ses figures, qui en découvre les propriétés immuables, et qui sait l’art

De poursuivre une sphère en ses cercles nombreux !

Mais que dis-je ? ne sommes-nous pas tous géomètres en quelque manière ? Sans la géométrie, l’enfant pourrait-il marcher, l’abeille faire son miel ?

Non certes, la géométrie n’exclut rien, pas même les poètes que M. Joseph Bertrand cite volontiers. Il a des idées sur toutes choses. On croit, je ne sais sur quels fondements, qu’il n’est point opposé, tout savant qu’il est, à quelqu’une des religions révélées qui se partagent aujourd’hui la foi de l’humanité. Je me hâte de dire que, pour surprendre cet état d’âme dans son livre sur Pascal, il faut une subtilité d’esprit que je n’ai pas. S’il est libre penseur ou catholique, il promet, en commençant, qu’on n’en saura rien ; il est aussi discret que Fortunio. Je confesse qu’après l’avoir lu je n’en sais pas plus qu’il n’a voulu et que je n’ai pas deviné sa pensée de derrière la tête. Il avait pourtant de belles occasions de se trahir ea traitant de la vie, des idées, de l’œuvre de Pascal.