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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/240

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LA VIE LITTÉRAIRE.

les plus simples sans doute, il n’aurait pas manqué d’y signaler un grand pas accompli dans le calcul intégral. Pascal promet les solutions, les donne sans rien cacher, mais sans faire valoir sa méthode, souvent sans la laisser paraître.

Si Pascal, dont le génie n’a pas eu de supérieurs, avait rencontré comme Leibniz !e principe des différentielles, sans parler de révolution dans la science, il aurait choisi, pour les produire, les conséquences précises les moins voisines de l’évidence, s’il n’avait préféré, comme il l’a fait souvent, laisser disparaître avec lui la trace de ses méditations. On pourrait comparer Leibniz à une montagne sur laquelle les pluies ne s’arrêtent pas, Pascal à une vallée qui rassemble leurs eaux, en ajoutant, peut-être, que la montagne est immense, la vallée profonde et cachée.

Il s’en faut de beaucoup que M. Joseph Bertrand ait considéré surtout, dans son étude, Pascal comme géomètre et comme physicien. Ces considérations n’emplissent que peu de pages ; au contraire de longs chapitres sont consacrés à l’homme, au polémiste, au penseur, à l’écrivain, et personne ne sera surpris que l’auteur des belles biographies de Poinsot, de Gariel, de Michel Chasles, d’Élie de Beaumont, de Foucault, pour ne citer que celles-là, ait voulu épuiser tout son sujet, ce sujet fût-il Pascal. M. Joseph Bertrand a l’esprit ouvert sur toutes choses et sa curiosité s’étend sur les secrets de la nature. Il a bien soin de nous dire que la géométrie n’exclut rien. Et c’est ce qu’on lui accordera sans peine. La géométrie est à la base de tout, ou plutôt elle est dans tout comme le squelette dans l’animal. Elle est l’abstraction et elle est la réalité. Le monde visible la