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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/258

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LA VIE LITTÉRAIRE.

vivre. Ayons le cœur simple et soyons des hommes de bonne volonté. Et la paix divine sera sur nous.

M. Maurice Barrès a plus d’une fois fait froncer le sourcil aux personnes graves. Mais il a exercé sur beaucoup de jeunes gens une sorte de fascination. Il ne faut pas s’en étonner. Cet esprit si troublé, si malade, si perverti et gâté, comme nous l’avons dit, par ce que les théologiens appellent la malice, n’est certes ni sans grâce ni sans richesse. Il a présenté artistement une réelle détresse morale. Et cela lui a gagné des sympathies dans la jeunesse, cela lui a valu une sorte d’admiration tendre et mouillée. Un poète de son âge qui a écrit un bien joli livre de critique, M. Le Goffic, constate cette influence profonde de M. Maurice Barrès et il l’explique en bons termes. » C’est qu’en effet, dit-il, ces livres maladifs d’art et de passion mettent dans le jour le plus vif les habitudes morales d’une jeunesse d’extrême civilisation, clairsemée dans la foule assurément, mais qui, si l’on en réunissait les membres épars, apparaîtrait plus compacte qu’on ne croit. »

El puis enfin (aucun lettré ne s’y trompera) M. Maurice Barrès possède l’arme dangereuse et pénétrante : le style. Sa langue souple, à la fois précise et fuyante, a des ressources merveilleuses. Tel paysage du Jardin de Bérénice, d’un trait rapide et d’une perspective infinie, est inoubliable.