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LA VIE LITTÉRAIRE




MADAME ACKERMANN


J’ai eu l’honneur de connaître madame Ackermann, qui vient de mourir. Je la voyais à ses échappées de Nice, l’été, dans sa petite chambre de la rue des Feuillantines qu’emplissaient l’ombre et le reflet pâle des grand arbres. C’était une vieille dame d’humble apparence. Le grossier tricot de laine, qui enveloppait ses joues, cachait ses cheveux blancs, dernière parure, qu’elle dédaignait comme elle avait dédaigné toutes les autres. Sa personne, sa mise, son altitude annonçaient un mépris immémorial des voluptés terrestres et l’on sentait, dès l’abord, que cette dame avait été brouillée de tout temps avec la nature.

— Quoi ! s’écria M. Paul Desjardins, quand un jour on la lui montra qui passait dans la rue, c’est là madame Ackermann ? elle ressemble à une loueuse de chaises.