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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/60

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LA VIE LITTÉRAIRE.

contre toute probabilité. Elle était jeune encore lorsqu’en 1801 un mal mortel la frappa. « Ma mère, dit M. de Barante, sentit la mort s’approcher sans illusion et avec courage, dans toute la force de sa raison. Son âme se montra à découvert, soutenue par les souvenirs de la vie la plus noble et la plus pure. Elle fit entendre à tous un langage à la fois si élevé et si naturel, que les personnes qui l’entouraient étaient pénétrées de respect et d’admiration. »

Prosper de Barante entrait dans la vie publique quand il perdit sa mère. Cet incomparable malheur laissa dans son esprit une empreinte profonde et durable.

« Il me semble, dit-il, que les pensées morales et religieuses, que les sentiments élevés que je puis avoir datent de ce moment. J’appris à valoir mieux qu’auparavant ; ma conscience devint plus éclairée et plus sévère. »

C’est là un état d’âme que comprennent tous ceux qui ont passé par une semblable épreuve. M. de Barante ajoute qu’il lut et relut alors un livre que son père aimait par-dessus tous les autres, les Pensées de Pascal, et que ce livre laissa « beaucoup de substance » dans son esprit. Je veux le croire ; mais il n’y paraît guère et l’on ne se douterait pas, s’il ne l’avait dit, que M. Barante s’est nourri de Pascal. Que le lieutenant criminel de Riom, un peu janséniste, ait beaucoup lu le livre de son grand compatriote, qui était peut-être un peu son parent, car ils sont tous parents en Auvergne, rien de plus naturel. Mais que Prosper de Barante doive quelque chose au