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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/63

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LA JEUNESSE DE M. DE BARANTE.

une petite ville à demi ensevelie sous le lierre et les orties ; un vrai nid de chouans. Mais ces anciens brigands étaient de très braves gens, qui oubliaient la guerre pour la chasse, et après dîner chantaient des chansons et dansaient en rond entre hommes. Population assez facile à administrer surtout par un fonctionnaire modéré et religieux comme M. de Barante. Les seules difficultés sérieuses venaient de la conscription. Cette cérémonie n’était nullement agréable aux gars du Bocage. Aussi Napoléon, qui craignait une nouvelle chouannerie, n’exigeait des départements de l’Ouest qu’un contingent réduit. Et encore donnait-il de grandes facilités pour le remplacement. Il recommandait à ses fonctionnaires de prendre tous les ménagements possibles, et M. de Barante était d’un caractère à bien suivre de telles instructions. Le directeur général de la conscription était alors un M. de Gessac, qui, méthodique et classificateur, avait dressé un tableau des préfets divisé en quatre catégories : 1o efforts et succès ; 2o efforts sans succès ; 3o succès sans efforts ; 4o ni succès ni efforts. M. de Barante ne dit pas dans quelle catégorie il fut rangé par M. de Gessac.

M. de la Rochejaquelein et sa femme, la veuve de l’héroïque Lescure, habitaient le château de Clisson, proche Bressuire. Le jeune sous-préfet les voyait souvent et passait parfois quelques jours de suite chez eux. Il y trouvait madame de Donissan, qui avait été dame de madame Victoire. C’était pour un fonctionnaire de l’empire, une société bien royaliste. Mais le sous-préfet était