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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/82

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LA VIE LITTÉRAIRE.

Aux fêtes du troisième mariage de Lucrèce Borgia, le 2 janvier 1502, il y eut encore des combats de taureaux sur la place Saint-Pierre. Celte fois, César descendit à cheval dans l’arène. Il salua l’assistance à la mode espagnole et, fonçant droit sur la bête, l’attaqua à la lance. Puis il se montra à pied au milieu du cuadrilla de dix Espagnols.

Il est croyable que, dans sa vie brûlante, il ne connut pas de plus grande joie que celle d’employer la force inépuisable de ses muscles. On le voyait sans cesse occupé à tordre une barre d’acier, à rompre un fer a cheval ou une corde neuve.

Les historiens nous le montrent à Césena, après la conquête, entouré de ses compagnons d’armes et de plaisirs, gravissant chaque dimanche la colline où les paysans se rassemblaient pour essayer leur force et leur adresse, et là prenant part, sans être reconnu, aux jeux en usage chez ces robustes et violentes populations des Romagnes et exigeant de tous les gentilshommes qu’ils acceptassent comme lui la lutte avec les rustres.

Il méprisait profondément les femmes. Ayant épousé Charlotte d’Albret, fille du roi de Navarre, il la quitta quelques jours après son mariage el n’eut plus le loisir de la revoir. Pendant une de ses campagnes dans les Romagnes, il vit la femme d’un de ses capitaines vénitiens, la trouva belle et la fit enlever. À Capoue, il garda pour lui les plus belles prisonnières. Ceux qui entraient dans sa tente apercevaient une grande belle fille sans nom, sans histoire, favorite muette, dit M. Yriarte, qu’il