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LA VIE LITTÉRAIRE

graphe, a écrit à l’île Nou, où il avait été déporté après la Commune, un hymne inspiré sans nul doute par une pensée haute et bienveillante :

Vérité, de ton flambeau,
Éclaire la famille humaine,
Écris sur l’unique drapeau :
L’amour a remplacé la haine.

M. Jules Guesde a adressé à M. Joséphin Péladan des stances indignées où il traite fort mal les héros platoniciens du Sâr : c’est, dit-il,

C’est l’être humain tel que l’ont fait, vil et difforme,
Des siècles de déisme et de propriété,
D’un paradis menteur l’attendez-moi sous l’orme ;
Ici le sur-travail et là l’oisiveté.

Fils d’un professeur, M. Jules Guesde ne manque pas de littérature. On lui trouve un air de poète méridional et l’on dit qu’il parle dans le tête-à-tête un langage abstrait et précis d’une admirable pureté. Il se peut. Mais ses vers ne sont pas bons. Ceux de mademoiselle Louise Michel valent mieux. Ils ont du souffle.

Nous reviendrons, foule sans nombre,
Nous viendrons par tous les chemins,
Spectres vengeurs sortant de l’ombre,
Nous viendrons, nous serrant les mains.

Cette strophe ne se déroule-t-elle pas comme un drapeau noir ? Mais je renonce à citer le reste, pour ne pas répandre des paroles de haine. Quant à M. J.-B. Clément, c’est un chansonnier très goûté dans les banquets ouvriers. Autant que j’en puis juger, ne connaissant qu’un petit nombre de ses