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LAMENNAIS

Telle était la doctrine de Lamennais à l’époque de la Restauration, C’était l’opposé du galliconisme. Ce prêtre ultramontain dénonçait comme une odieuse usurpation la déclaration de 1682, qui consacrait l’indépendance réciproque du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Il attaqua les gallicans avec une fureur sacrée et souleva contre lui, dans cette lutte, les haines sous lesquelles il devait plus tard succomber.

Dès les dernières années de la Restauration, la royauté n’était plus à ses yeux qu’un cadavre qu’il fallait ensevelir au plus tôt, jam fetet. En 1830, dans toute sa ferveur ultramontaine, il était républicain. Il écrivait le 6 août :

On va mettre la couronne sur la tête du duc d’Orléans. Le plus grand nombre préférerait la République, une République franchement déclarée, et je suis de ceux-là, mais j’espère que la royauté sera purement nominative.

Le 26 août il écrivait encore :

… Ceci doit, tôt ou tard, finir par la République, j’entends République de droit, car nous avons déjà celle de fait, et comme, d’ici à longtemps peut-être nul autre gouvernement ne sera possible en France, j’aimerais mieux pour la tranquillité de ce pays qu’on mît plus d’unité dans les institutions qu’on nous fabrique ; car tout ce qui s’y trouvera d’opposé à l’esprit républicain ne pourra ni durer ni être changé sans de nouvelles secousses qui ne seront pas médiocrement dangereuses.

À cette date, l’abbé de Lamennais, emporté par la logique enflammée de son esprit, était devenu catholique libéral. C’est pour l’Église qu’il voulait la liberté, mais il la voulait toute. Il fonda en 1831 avec les abbés Lacordaire, Gerbet et Rohrbacher, M. de Coux et le comte Charles de Montalembert