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« LOHENGRIN » À PARIS

I

L’Eden-Théâtre monte en ce moment le Lohengrin de Richard Wagner, sous la direction d’un musicien consommé, M. Lamoureux[1]. Le patriotisme le plus ombrageux ne peut s’en offenser. L’art ne saurait être traité en ennemi puisqu’il est sans armes. D’où qu’il vienne, il est le bienvenu, car il vient non en conquérant avide, mais en hôte magnifique et bienfaisant.

Quant à Richard Wagner, il n’y a maintenant qu’un mot à dire de lui en France, c’est qu’il est mort. Il l’est comme Mozart et Beethoven. Car, s’il y a bien des manières d’être vivant, on n’en connaît encore qu’une seule d’être mort. Son œuvre

  1. C’est le 3 mai 1887 que Charles Lamoureux fit représenter Lohengrin, pour la première fois à Paris. Le succès fut grand, mais des manifestations hostiles se déroulèrent aux abords du théâtre de l’Eden, rue Boudreau. L’ïiffaire Schnaebelé était toute récente. Après cette unique représentation, Lamoureux retira Lohengrin de l’affiche. (Note de l’éditeur.)