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TAINE ET NAPOLÉON[1]

I

M. Taine vient de donner dans la Revue des Deux Mondes, en deux numéros, un Napoléon Bonaparte d’un travail à la fois minutieux et robuste, fait de pièces et de morceaux, et pourtant original, bourré de petites choses, et avec cela énorme. M. Taine déteste l’homme et condamne l’œuvre. Cette antipathie a surpris ceux-là seuls qui oubliaient combien l’auteur des Origines de la France contemporaine s’était montré ennemi de la centralisation administrative, de la codification uniforme, des victoires et des conquêtes, et généralement de tout ce qui n’est pas l’effet d’une évolution lente. Ce que M. Taine reproche à l’Empire, c’est à peu près ce qu’il reprochait à l’ancien régime et à la Révolution. Il est persuadé que, de tout temps, les Français ne surent point faire leurs affaires, et, non content de le leur

  1. À propos des pages de Taine sur Napoléon, publiées en 1887 dans la Revue des Deux Mondes. (Cf. Origines de la France contemporaine. Le régime moderne, livre premier.)