Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/102

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aventure et nous en sommes quittes avec lui pour beaucoup plus que la peur.

Puis il secoua la tête et changea de propos. Il m’avertit de l’état d’abandon dans lequel je trouverais le parc et le château, restés absolument déserts depuis trente-deux ans.

J’appris de lui que M. Honoré de Gabry, son oncle, était, en son vivant, fort mal avec les braconniers du pays, qu’il tirait comme des lapins. Un d’eux, paysan vindicatif, qui avait reçu, en plein visage, le plomb du seigneur, le guetta un soir, derrière les arbres du mail et le manqua de peu, car il lui brûla d’une balle le bout de l’oreille.

— Mon oncle, ajouta M. Paul, chercha à découvrir d’où venait le coup, mais il ne vit rien et regagna le château sans hâter le pas. Le lendemain, ayant fait appeler son intendant, il lui donna l’ordre de clore le manoir et le parc et de n’y laisser entrer âme qui vive. Il défendit expressément qu’on touchât à rien, qu’on entretînt ni qu’on réparât rien sur sa terre et dans ses murs jusqu’à son retour. Il ajouta entre ses dents, comme dans la chanson, qu’il reviendrait à Pâques ou à la Trinité, et, comme dans la