Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et je songeai que la vie ne nous semble courte que parce que nous la mesurons inconsidérément à nos folles espérances. Nous avons tous, comme le vieillard de la fable, une aile à ajouter à notre bâtiment. Je veux achever, avant de mourir, l’histoire des abbés de Saint-Germain-des-Prés. Le temps que Dieu accorde à chacun de nous est comme un tissu précieux que nous brodons de notre mieux. J’ai ouvré ma trame de toute sorte d’illustrations philologiques. Ainsi allaient mes pensées, et, en nouant mon foulard sur ma tête, l’idée du temps me ramena au passé, et pour la seconde fois dans un tour de cadran, je songeai à vous, Clémentine, pour vous bénir dans votre postérité, si vous en avez une, avant de souffler ma bougie et de m’endormir au chant des grenouilles.

II

Pendant le déjeuner, j’eus mainte occasion d’apprécier le goût, le tact et l’intelligence de madame de Gabry, qui m’apprit que le château était hanté par des fantômes et notamment par la