Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/127

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Me tournant vers madame de Gabry, je m’aperçus qu’elle n’était pas seule. Une jeune fille vêtue de noir se tenait près d’elle. Elle avait de grands yeux intelligents, d’un gris aussi doux que le ciel de l’Ile-de-France, et d’une expression à la fois naïve et puissante. Au bout de ses bras un peu grêles se tourmentaient deux mains déliées, mais rouges, comme il convient à des mains de jeune fille. Prise dans sa robe de mérinos, elle était tout d’un jet comme un jeune arbre, et sa grande bouche annonçait la franchise. Je ne puis dire combien cette enfant me plut tout d’abord. Elle n’était pas belle, mais les trois fossettes de ses joues et de son menton riaient, et toute sa personne, qui gardait la gaucherie de l’innocence, avait je ne sais quoi de brave et de bon.

Mes regards allaient de la statuette à la fillette et je vis celle-ci rougir, mais franchement, largement, à flot.

— Eh bien, me dit mon hôtesse, qui, accoutumée à mes distractions, me faisait volontiers deux fois la même question, est-ce bien là la dame qui, pour vous voir, entra par la fenêtre que vous aviez laissée ouverte ? Elle fut bien