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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/161

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sourire s’épanouit. Elle souriait aux fenêtres ouvertes sur le jardin vert et lumineux ; elle souriait au Marius de bronze assis dans les ruines de Carthage sur le cadran de la pendule ; elle souriait aux vieux fauteuils de velours jaune et au pauvre étudiant qui n’osait lever les yeux sur elle. À compter de ce jour, comme je l’aimai !

Mais nous voici arrivés rue de Sèvres et bientôt nous verrons vos fenêtres. Je suis un bien mauvais conteur et si je m’avisais par impossible de composer un roman, je n’y réussirais guère. J’ai préparé longuement un récit que je vais vous faire en quelques mots ; car il y a une certaine délicatesse, une certaine grâce de l’âme qu’un vieillard blesserait en s’étendant avec complaisance sur les sentiments de l’amour même le plus pur. Faisons quelques pas sur ce boulevard bordé de couvents et mon récit tiendra aisément dans l’espace qui nous sépare de ce petit clocher que vous voyez là-bas.

M. de Lessay, apprenant que je sortais de l’école des chartes, me jugea digne de collaborer à son atlas historique. Il s’agissait de déterminer sur une suite de cartes ce que le vieillard philosophe nommait les vicissitudes des empires depuis