Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/160

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surnaturelle, et encore aujourd’hui je ne puis m’imaginer que ces deux joyaux animés aient subi les fatigues de la vie et la corruption de la mort.

Elle se troubla un peu en saluant mon père qu’elle ne connaissait pas. Son teint était légèrement rosé et sa bouche entr’ouverte souriait de ce sourire qui fait songer à l’infini, sans doute parce qu’il ne trahit aucune pensée précise et qu’il n’exprime que la joie de vivre et le bonheur d’être belle. Son visage brillait sous une capote rose comme un bijou dans un écrin ouvert ; elle portait une écharpe de cachemire sur une robe de mousseline blanche plissée à la taille et qui laissait passer le bout d’une bottine mordorée… Ne vous moquez point, chère madame ; c’était la mode alors, et je ne sais si les nouvelles ont autant de simplicité, de fraîcheur et de grâce décente.

M. de Lessay nous dit qu’ayant entrepris la publication d’un atlas historique, il revenait habiter Paris et s’arrangerait avec plaisir de son ancien appartement, s’il était vacant. Mon père demanda à mademoiselle de Lessay si elle était heureuse de venir dans la capitale. Elle l’était, car son