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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/172

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— Cher monsieur, je ne puis vous aider en cela autant que je voudrais. Jeanne est orpheline et mineure. Vous ne pouvez rien faire pour elle sans l’autorisation de son tuteur.

— Ah ! m’écriai-je, je n’avais pas songé le moins du monde que Jeanne eût un tuteur.

Madame de Gabry me regarda avec une visible expression de surprise. Elle n’attendait pas du bonhomme tant de simplicité.

Elle reprit :

— Le tuteur de Jeanne Alexandre est maître Mouche, notaire à Levallois-Perret. Je crains que vous ne vous entendiez pas bien avec lui, car c’est un homme sérieux.

— Eh ! bon Dieu ! m’écriai-je, avec qui donc voulez-vous que je m’entende à mon âge, si ce n’est avec les personnes sérieuses ?

Elle sourit avec une douce malice, comme souriait mon père, et dit :

— Avec ceux qui vous ressemblent, les innocents qui ont les mains pleines. M. Mouche n’est pas précisément de ceux-là : il a l’esprit retors et les mains crochues. Bien que j’aie très peu de plaisir à le rencontrer, nous irons ensemble, si vous voulez, lui demander la permission d’aller