Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/171

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ger du côté du Panthéon dans un appartement qu’il avait loué pour la vente de son atlas historique. Il y mourut peu de mois après d’une attaque d’apoplexie. Sa fille se retira, me dit-on, à Caen chez une vieille parente. C’est là qu’ayant passé la première jeunesse, elle épousa un commis de banque, ce Noël Alexandre qui devint si riche et mourut si pauvre.

Quant à moi, madame, je vécus seul en paix avec moi-même : mon existence, exempte de grands maux et de grandes joies, fut assez heureuse. Mais je n’ai pu de longtemps voir dans les soirées d’hiver un fauteuil vide auprès du mien, sans que mon cœur ne se serrât douloureusement. L’an passé, j’ai appris de vous, qui l’avez connue, sa vieillesse et sa mort. J’ai vu sa fille chez vous. Je l’ai vue, mais je ne dirai pas encore comme le vieillard de l’écriture : Et maintenant, rappelez à vous votre serviteur, Seigneur. Si un bonhomme comme moi peut être utile à quelqu’un, c’est à cette orpheline que je veux, avec votre aide, consacrer mes dernières forces. J’avais prononcé ces derniers mots dans le vestibule de l’appartement de madame de Gabry, et j’allais me séparer de cette aimable guide, quand elle me dit :