Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/199

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jourd’hui si, dans mon existence, je n’ai pas fait, sans m’en douter, quelque chose d’aussi ridicule que le tableau chronologique des amants d’Hélène. Le progrès des sciences rend inutiles les ouvrages qui ont le plus aidé à ce progrès. Comme ces ouvrages ne servent plus à grand’chose, la jeunesse croit de bonne foi qu’ils n’ont jamais servi à rien ; elle les méprise et, pour peu qu’il s’y trouve quelque idée trop surannée, elle en rit. Voilà comment, à vingt ans, je m’amusai de M. Petit-Radel et de son tableau de chronologie galante ; voilà comment hier, au Luxembourg, mon jeune et irrévérencieux ami…

Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre
Quoi ! tu veux qu’on t’épargne et n’as rien épargné.


6 juin.

C’était le premier jeudi de juin. Je fermai mes livres et pris congé du saint abbé Droctovée qui, jouissant de la béatitude céleste, n’est pas bien pressé, je pense, de voir son nom et ses travaux glorifiés, sur cette terre, dans une humble compilation sortie de mes mains. Le dirai-je ? Ce pied