Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/206

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l’appétit du malaise. Ils ont toujours cherché à améliorer leur état. Ce constant effort a produit de constantes révolutions. Il continue, voilà tout !

— Ah ! monsieur, me répondit maître Mouche, on voit bien que vous vivez dans vos livres, loin des affaires ! Vous ne voyez pas, comme moi, les conflits d’intérêts, les luttes d’argent. C’est du grand au petit la même effervescence. On se livre à une spéculation effrénée. Ce que je vois m’épouvante.

Je me demandais si maître Mouche n’était venu chez moi que pour m’exprimer sa misanthropie vertueuse ; mais j’entendis des paroles plus consolantes sortir de ses lèvres. Maître Mouche me présentait Virginie Préfère comme une personne digne de respect, d’estime et de sympathie, pleine d’honneur, capable de dévouement, instruite, discrète, lisant bien à haute voix, pudique et sachant poser des vésicatoires. Je compris alors qu’il ne m’avait fait une peinture si sombre de la corruption universelle, qu’afin de faire mieux ressortir, par le contraste, les vertus de l’institutrice. J’appris que l’établissement de la rue Demours était bien achalandé, lucratif et en