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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/237

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rée dans son manteau, le chapeau en arrière, plume au vent comme un brik pavoisé ? Et véritablement elle a l’allure svelte et fière d’un fin voilier, si bien qu’elle me rappelle qu’un jour, étant au Havre… Mais faut-il te répéter, Bonnard mon ami, que ta gouvernante est au lit et que tu dois aller ouvrir toi-même ta porte ?

Ouvre, bonhomme Hiver… c’est le Printemps qui sonne.

C’est Jeanne en effet, Jeanne toute rose. Il s’en faut d’un étage que mademoiselle Préfère, essoufflée et indignée, atteigne le palier.

J’expliquai l’état de ma gouvernante et proposai un dîner au restaurant. Mais Thérèse, toute puissante encore sur son lit de douleur, décida qu’il fallait dîner à la maison. Les honnêtes gens, à son avis, ne dînaient pas au restaurant. D’ailleurs, elle avait tout prévu. Le dîner était acheté ; la concierge le cuirait.

L’audacieuse Jeanne voulut aller voir si la vieille malade n’avait besoin de rien. Comme bien vous pensez, elle fut lestement renvoyée au salon, mais pas avec tant de rudesse que j’avais lieu de le craindre.

— Si j’ai besoin de me faire servir, ce qu’à