Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/56

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l’air intelligent, et les femmes, bien que hâlées et flétries, portaient avec grâce un long manteau noir.

Je voyais devant moi des ruines blanchies par le vent de la mer et sur lesquelles l’herbe ne croît même pas. La morne tristesse du désert règne sur cette terre aride dont le sein gercé nourrit à peine quelques mimosas dépouillés, quelques cactus et des palmiers nains. À vingt pas de moi, le long d’une ravine, des cailloux blanchissaient comme une traînée d’ossements. Mon guide m’apprit que c’était un ruisseau.

J’étais depuis quinze jours en Sicile. Entré dans cette baie de Palerme, qui s’ouvre entre les deux masses arides et puissantes du Pellegrino et du Catalfano et qui se creuse le long de la Conque d’or, je ressentis une telle admiration que je résolus de visiter cette île si noble par ses souvenirs et si belle par les lignes de ses collines dans lesquelles se retrouve le principe de l’art grec. Vieux pèlerin, blanchi dans l’occident gothique, j’osai m’aventurer sur cette terre classique et, m’arrangeant avec un guide, j’allai de Palerme à Trapani, de Trapani à Sélinonte, de Sélinonte à Sciacca que j’ai quitté ce matin pour me rendre à Girgenti