Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/61

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apportées dans une corbeille et elle les mit une à une dans un pli de sa robe.

— Ce sera pour la route, nous dit-elle. Nous allons comme vous à Girgenti. Mais savez-vous pourquoi nous allons à Girgenti ? Je vais vous l’apprendre. Vous savez que mon mari collectionne les boîtes d’allumettes. Nous en avons acheté treize cents à Marseille. Mais nous avons appris qu’il y en avait une fabrique à Girgenti. C’est, à ce qu’on nous a dit, une petite fabrique dont les produits, fort laids, ne sortent guère de la ville et des environs. Eh bien ! nous allons à Girgenti acheter des boîtes d’allumettes. Dimitri a essayé de toutes les collections, mais il n’y a que celle des boîtes d’allumettes qui l’intéresse. Il possède déjà cinq mille deux cent quatorze types différents. Il y en qui nous ont donné une peine affreuse à trouver. Nous savions, par exemple, qu’on avait fait à Naples des boîtes avec les portraits de Mazzini et de Garibaldi, et que la police avait saisi les planches des portraits et emprisonné le fabricant. À force de chercher et de demander, nous trouvâmes une de ces boîtes pour cent francs, au lieu de deux sous. Ce n’était pas trop cher, mais on nous dénonça. Nous fûmes pris pour des