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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/10

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d’Angoulême, père de la princesse Marguerite. Le comte Charles était du sang du bon duc Charles, qui, prisonnier des Anglais, rima de douces ballades et des rondeaux grêles et fins comme les miniatures de Jehan Fouquet. Il était fils du prince Jean, qui traduisit en vers français ces distiques barbares et scolastiques qu’il croyait venus de la Rome antique et composés par Caton. Il copia de sa main le livre des Consolations de Boèce. Ce prince Jean était beau clerc. Charles, son fils, aspirait comme lui « à la manne céleste de bonne doctrine[1] ». Il avait dans son château de Cognac une riche librairie. Mais le temps « encore ténébreux » sentait « l’infélicité et calamité des Goths, qui avoient mis à destruction toute bonne littérature[2] ». Le 11 avril 1492, sa femme Louise mit au monde, à An-goulême, une fille du nom de Marguerite, qui en latin veut dire gemme ou pierrerie. Et Marguerite devait être, en effet, la perle des princesses. Le bon duc quitta ce monde sublunaire à deux ans de là, et Marguerite fut élevée par sa mère, cette belle, intelligente et terrible Louise de Savoie, qui aimait les poètes et se piquait de gai savoir. Femme âpre, avaricieuse, inhumaine, qui, plus tard, se souilla de hontes et de crimes que sa fille sut ne jamais voir. Celui qui ne se creva pas les deux yeux par foi ou par amour, celui-là ne crut, n’aima jamais.

Marguerite grandit dans le château paternel. Là, dans quelque retrait fermé de boiseries à sculptures

  1. Rabelais, II, VIII.
  2. Rabelais, oc. cit.