Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

retrouve à Pézenas le prince de Conti, avec qui il s’était trouvé sur les bancs du collège. Il ne souvenait guère au prince du tapissier devenu comédien. Mme de Calvimont, maîtresse du prince de Conti, étant logée à la Grange, proposa d’envoyer chercher les comédiens. Le prince de Conti en chargea M. de Cosnac, qui avait l’argent de ses menus plaisirs. Ayant appris que Molière et la Béjart étaient en Languedoc, M. de Cosnac leur manda de venir à la Grange. Pendant que la troupe se disposait à venir sur ces ordres, il en arriva une autre à Pézenas, celle de Cormier. L’impatience naturelle du prince de Conti l’engagea à retenir cette troupe. Et il paraît que Cormier avait fait des présents à Mme de Calvimont. M. de Cosnac fit de respectueuses représentations au prince : « Je me suis engagé à Molière, sur vos ordres. » A quoi le prince répondit : « Je me suis moi-même engagé depuis à la troupe de Cormier, et il est plus juste que vous manquiez à votre parole que moi à la mienne. »

Cependant Molière arriva. Et, ayant appris qu’on ne voulait pas de lui, il demanda qu’on lui payât au moins les frais qu’on lui avait fait faire pour venir. M. de Cosnac trouvait cette demande fort juste. Mais il ne put obtenir que le prince y fît droit. Ce mauvais procédé échauffa à ce point M. de Cosnac qu’il résolut de faire monter les comédiens de Molière sur le théâtre de Pézenas et de leur donner mille écus de son argent plutôt que de leur manquer de parole. A la vérité, il espérait que le prince, en apprenant qu’ils allaient jouer à la ville, se piquerait d’honneur et les