Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/126

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Le 19 janvier 1664 Mlle Molière, la femme du poète, mit au monde un garçon, qui fut nommé au baptême « Louis » par le duc de Créqui, tenant pour le roi parrain, et par la maréchale du Plessis, pour Madame marraine. Après quoi ceux que scandalisait le mariage du comédien n’eurent qu’à se taire.

Dix jours après la naissance de ce fils, qui ne vécut pas, Molière composa le Mariage forcé pour huit entrées de ballet dans l’une desquelles le roi parut lui-même en Egyptien. Molière n’était encore, dit-on, Sganarelle qu’au théâtre.

Du 7 au 14 mai il y eut de grandes fêtes à la cour.

Des divertissements furent donnés devant la reine pour Mlle de la Vallière, relevée depuis cinq mois de ses premières couches. « Le dessein de l’action où le roi figuroit étoit de M. de Saint-Aignan ; cela s’appeloit le Palais d’Alcine ou les Plaisirs de l’Ile enchantée. Le second jour des fêtes, 8 mai, Molière joua la Princesse d’Élide, où Armande Béjart fut charmante. Le cinquième jour, 11 mai, il donna les Fâcheux ; le 12 mai, après la loterie, il fit entendre les trois premiers actes du Tartuffe. A ce qu’il semble, le roi n’y trouva rien à reprendre, mais son ancien précepteur, M. de Péréfixe, archevêque de Paris, mit un grand zèle à l’éclairer sur ce point. Il le supplia de protéger la religion et de mériter son titre de fils aîné de l’Église. Les dévots poussèrent des cris aigus, et le roi, tout en reconnaissant les bonnes intentions de l’auteur, défendit pour le public la comédie de Tartuffe. »

Le poète lut cette comédie au cardinal Chigi, légat du pape, qui se trouvait alors en France. Le prélat