Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/127

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n’en fut pas scandalisé. Au rebours, un curé de Paris, nommé Pierre Roullé, estima que l’auteur de cet ouvrage, « démon vêtu de chair et habillé en homme », méritait un supplice exemplaire et le « feu même, avant-coureur de celui de l’enfer[1] ».

La pièce, interdite à la ville, ne l’était point à la cour. Les trois premiers actes furent représentés une seconde fois, le 2f septembre, à Villers-Cotterets, où le roi était allé visiter son frère, et la pièce entière fut donnée, le 29 novembre, au Raincy, chez le prince de Condé. Mais Condé n’était pas une caution en matière de foi.

Neuf mois après le Tartuffe et son interdiction, Molière donna le Festin de Pierre.

Ce fut jugé pis que le Tartuffe. Le prince de Conti, devenu dévot et casuiste, s’écrie dans un livre de sa composition : « Y a-t-il une école d’athéisme plus ouverte que le Festin de Pierre, où, après avoir fait dire toutes les impiétés les plus horribles à un athée qui a beaucoup d’esprit, l’auteur confie la cause de Dieu à un valet à qui il fait dire, pour la soutenir, toutes les impertinences du monde ? Et il prétend justifier à la fin sa comédie, si pleine de blasphèmes, à la faveur d’une fusée qu’il fait le ministre ridicule de la vengeance divine[2] ? »

Le prince de Conti n’a pas tout à fait tort, et le Festin de Pierre n’est pas une œuvre édifiante. Elle mit



  1. Le Roi glorieux du Monde.
  2. Sentiments des Pères de l’Église, à la suite du Traité de la Comédie, p. 24.