faire un théâtre, le grand vestibule des dortoirs, au second étage du grand escalier des Demoiselles. Des gradins adossés aux murs des deux côtés de la scène avaient été réservés aux petites filles de la communauté, qui portaient, selon leur âge, des ceintures rouges, vertes, jaunes ou bleues. Un espace était ménagé entre les gradins pour les spectateurs du dehors. Au premier rang des sièges était le fauteuil du roi. Les actrices étaient habillées de belles robes à la persane, ornées de perles et de diamants, qui avaient autrefois servi au roi dans ses ballets. La salle était éclairée par des lustres de cristal ; les décors avaient été peints par Borin, décorateur des spectacles de la cour. Les musiciens du roi accompagnaient les chœurs, et Nivers, organiste de Saint-Cyr, tenait le clavecin. Racine, qui disait bien les vers et qui lisait avec grâce le vieux Plutarque au roi, avait instruit ces innocentes actrices. Elles se mettaient à genoux pour dire le Veni Creator avant d’entrer en scène. Une d’elles, qui jouait le rôle d’Elise, manqua de mémoire. Le roi était là. « c Ah ! mademoiselle, dit Racine, quel tort vous faites à ma pièce ! » La jeune fille pleura. Racine courut à elle, essuya ses larmes avec son mouchoir et pleura avec elle.
Bossuet assistait à cette représentation. Il revint à la dernière qui fut donnée dans la saison et que vit M"" de Sévigné. Elle écrivit : « Racine s’est surpassé ; il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses. » Tout plut dans Esther.- le sujet, les vers, la musique, les actrices et surtout M" » de Vilette, dont le visage trop touchant, le jeu trop aimable, inquiétèrent la