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dans une partie de chasse à la Villette (8 septembre 1743), âgé de quarante-huit ans. Ce fut un rude coup pour son père. Le Sage, « trop vieux pour travailler, trop haut pour demander, trop honnête pour emprunter, » dit Voisenon, qui le connaissait bien, se retira avec sa femme à Boulogne-sur-Mer, chez son fils le chanoine. Une lettre, écrite à près de quarante ans de distance par le chevalier de Tressan à un correspondant inconnu, nous fait assister aux derniers jours de ce bon vieillard.

« Paris, ce 20 janvier 1780.

« Vous m’avez prié de vous donner quelques notions sur les derniers jours du célèbre auteur de Gil Blas et de plusieurs ouvrages estimés. Voici, monsieur, les seuls que je puisse vous donner. Après la bataille de Fontenoy, à la fin de 1745, le feu roi n’ayant nommé personne pour servir sous les ordres de M. le maréchal de Richelieu, les événemens et de nouveaux ordres m’arrêtèrent à Boulogne-sur-Mer, où je restai commandant en Boulonnois, Ponthieu et Picardie.

« Ayant sçu que M. Le Sage, âgé d’environ quatre-vingts ans, et son épouse à peu près du même âge habitoient à Boulogne, un de mes premiers soins fut de les aller voir et de m’assurer par moi-même de leur état présent. Je les trouvai logés chez leur fils, chanoine de la cathédrale de Boulogne, et jamais la piété filiale ne s’est occupée avec plus d’amour à soigner et à embellir les derniers jours d’un père et d’une mère qui n’avoient presque aucune autre ressource que les médiocres revenus de ce fils.

« M. l’abbé Le Sage jouissoit à Boulogne d’une haute considération. Son esprit, ses vertus, son dévouement à servir ses proches, le rendirent cher à monseigneur de Pressy, son digne évêque, à ses confrères et à la société.

« J’ai vu peu de ressemblances plus grandes que celles de