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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/2

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lement accoudé sur un coussin de pourpre, tu liras comment la petite femme du vigneron cache son amant dans une jarre et comment la veuve d’Éphèse pendit son mari mort, pour l’amour d’un soldat.

Ces Milésiennes (il nous en reste plus d’une) étaient lestement contées. Pas de développements, pas de caractères ; rien que le trait. Cette littérature bourgeoise resta longtemps la seule littérature intime de l’hellénisme.

Le roman d’amour ne fleurit qu’à l’époque romaine. C’est dans cet Orient, terre du mensonge, que paraissent, à compter du IIIe siècle de l’ère chrétienne, des petits livres contant en style raffiné les aventures de deux beaux enfants rapprochés par un mutuel amour et séparés par des nécessités cruelles. Tel est le thème ordinaire et qu’on varie peu. On y mêle des courses de pirates, des enlèvements, parfois des amours tragiques, des incestes renouvelés d’Euripide, afin de donner au lecteur les frissons délicieux d’une pitié tempérée et d’une terreur passagère. Dion Chrysostome et quelque autre se passeront, il est vrai, de ces moyens dramatiques ; mais ce que tous mettront, ce qui est nécessaire au genre, c’est une abondance de tableaux rustiques. Ces tableaux sont tout d’artifice et de tradition ; ils plaisent mieux de la sorte que s’ils étaient plus francs, plus rudes et plus vrais. Théocrite est depuis longtemps un ancien ; le goût âpre et large du Sicilien n’est plus de mode. On ira jusqu’à représenter avec symétrie les divers travaux de l’homme et de la nature dans les quatre saisons. On ne craindra pas de laisser voir l’arrangement, l’apprêt, l’art exces-