Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/234

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tage. Mm8 de Genlis y mena les enfants du duc d’Orléans. Mm,s de Coislin, de Gramont, de Chabannes, la princesse Lubomirska y allèrent ; Mme de Krudner y courut. Elle trouva l’hermite dans son jardin entre une ruche et une volière.

Il continuait d’écrire à M. Hennin parce qu’il l’aimait et aussi parce qu’il n’avait pas perdu le goût de solliciter. Mais toutes ses demandes n’étaient pas sans grâce. Il exigea un jour du premier commis quelques graines de pied-d’alouette « afin, disait-i], que le beau bleu de cette fleur lui rappelât celui des yeux de Mme Hennin ».

Les femmes, dont beaucoup étaient romanesques alors, furent toutes plus ou moins amoureuses de l’homme sensible qui avait fait Paul et Virginie. Une demoiselle de Lausanne lui écrivit pour lui offrir sa main. Elle était protestante et exigeait qu’il le devînt afin que, réunis dans le ciel, ils pussent s’y s’aimer éternellement. Bernardin lui répondit non sans finesse qu’avant de s’aimer dans l’éternité il faut se voir et se connaître dans ce monde. L’affaire en resta là. Ce n’est pas la seule proposition de mariage qu’on lui fit alors. En 1788, l’abbé Fauchet lui offrit sa nièce. Cette nièce était sans bien, elle avait dix-huit ans ; elle sortait, disait Fauchet, des mains de la nature. Bernardin ne fut pas aussi tenté qu’on pourrait croire, bien qu’il eût depuis quelque temps l’intention de se marier. Il aimait certes la nature, mais, s’il faut surprendre l’aveu qu’il fit deux ans auparavant à M. Guys, de Marseille, il n’était pas trop effrayé de l’idée de prendre, à l’occasion, une femme « dans le temple