Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/239

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le testament d’un sage ; il était vénéré. Il croyait et faisait croire à sa longue familiarité avec le Dieu de Fénélon. Maintenant, on imaginait sans trop d’effort que les fleurs des Champs-Elysées naissaient sous les pieds de ce juste et qu’une lumière immortelle l’enveloppait comme un vêtement : « Cette lumière, a dit Fénélon, n’est point semblable à la lumière sombre qui éclaire les yeux des misérables mortels et qui n’est que ténèbres ; c’est plutôt une gloire céleste qu’une lumière… Elle fortifie les yeux et porte dans le fond de l’âme je ne sais quelle sérénité. » Telle est aussi la lumière d’un beau génie.

Bernardin, malgré son goût pour la nature, ne quitta jamais tout à fait Paris, où le retenaient les affaires de sa gloire et de son bien, qu’il ne méprisait pas. Ses fenêtres s’ouvraient sur la cour du Louvre, en face de celles de Ducis. Ce vieux Ducis était plein d’amour ; il avait le cœur héroïque. Si Bernardin répandait son âme dans ses livres, Ducis gardait pour ses amis le meilleur de la sienne.

Louis et Joseph Bonaparte allèrent voir l’auteur des Études, le couvrirent de caresses. Le général Bonaparte l’alla voir aussi, après MareTjgo ; il prit soin d’oublier sur la cheminée un rouleau de vingt-cinq louis ; il obligeait un confrère, car il était aussi de l’Institut. Bernardin refusa une place sous l’Empire, mais il accepta des pensions. Il nommait Napoléon un « héros philosophe ». Il compara, dans un discours académique, les jacobins aux « renards arctiques acharnés sur des cadavres ». Et il ajoutait : « Enfin le ciel nous envoya un libérateur. Ainsi l’aigle