Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/238

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Monté dans sa chaire : « Je suis père de famille, dit-il, et j’habite la campagne. » Cette parole fut couverte d’applaudissements frénétiques. 11 se retira après la première leçon pour chercher ce qu’il aurait à dire et ne remonta plus en chaire. L’année suivante, l’Institut fut créé et Bernardin fut appelé à la classe de morale. Il essaya d’y professer son déisme, qui devenait de plus en plus fade et larmoyant. Il avait vieilli, et les temps étaient changés. Sa science, toute chimérique, était d’un autre âge. Lavoisier, Laplace et Berthollet étaient venus.

Sa jeune femme, emportée par la consomption, lui laissait pour héritage les procès les plus inextricables. Resté veuf à soixante-trois ans avec sa petite Virginie âgée de quatre ans et son Paul qui n’avait que huit mois, il remarqua dans un pensionnat de demoiselles, ouvert à sa renommée vertueuse, M11" Désirée de Pel-leporc, jeune fille rêveuse qui avait appris, à l’aimer dans Paul et Virginie, au milieu de ses petites rivales dje classe. Elle avait dix-huit ans ; il l’épousa. Il était alors ce beau vieillard aux cheveux blancs, longs et bouclés, aux yeux bleus, qui semblait n’avoir pas d’âge. Ses disciples et les femmes, qui l’aimaient jusqu’aux larmes, le voyaient comme entré déjà dans l’immortalité. Son petit bien lui avait été emporté par la banqueroute d’un banquier. Il put tirer de sa créance une maison dans le village d’Eragny, sur la berge de l’Oise. Il y planta des vernis du Japon et maria aux pommiers de Normandie les bigonias fleuris de rouge. Là, il faisait épeler le Télémaque à son Paul, et il écrivait des pages où ses disciples voulaient voir

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