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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/271

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fourmillement confus de la vie dans la solitude, elle lui dit :

« Tu devrais peindre tout cela ! »

Elle-même jeta au hasard des pensées et des images sur le papier. Elle avait tant besoin de se répandre.

Sa solitude devint complète. René, qui n’avait pas voulu entrer dans la marine du roi, boucla sa maigre valise de cadet et partit chercher fortune à Paris. C’était en 1786 ; on entrait dans l’automne : le 6 de septembre, au moment où la cloche sonnait pour le repas du soir, M. de Chateaubriand tomba frappé d’apoplexie. Ce sang acre, qui avait si amèrement bouillonné dans sa tête, l’étouffait enfin. Il eut une mort selon son caractère, une mort brusque et sans l’attendrissement des adieux. Il fut inhumé dans les caveaux de l’église de Combourg.

C’est par ce deuil que Lucile entra dans une existence moins étroite. Reçue chanoinesse au cha- -pitre de l’Argentière, elle devait passer dans celui de Remiremont. Ces canonicats laïques étaient des manières de dotation pour les cadettes titrées. Remire-mont, Romarici mons, abbaye du diocèse de Toul en Lorraine, faisait remonter à Fan 620 sa fondation par saint Romaric. Les dames de Remiremont, de religieuses qu’elles étaient jusqu’à la fin du xvii" siècle, étaient devenues séculières.

Les dames étaient au nombre de soixante-douze, et, pour se perpétuer les prébendes, elles présentaient les demoiselles nobles qu’elles adoptaient pour nièces. Ces nièces prenaient la place de leurs tantes

A.