Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/272

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spirituelles quand celles-ci se mariaient ou mouraient. L’abbesse seule était vouée au célibat. L’accès du chapitre était difficile. Lucile, en attendant son transfert, restait à Combourg. Ses sœurs vivaient Sur les terres de leurs familles d’alliance, à Fougères. Mais la troisième, la belle Julie, devenue Mmc de Farcy, détestait la Bretagne. Elle voulait aller à Paris pour y montrer son esprit charmant et ses bras adorables. Elle partit, et, se sachant plus belle que Lucile, elle l’emmena. René, qui était revenu à Combourg après la mort de son père, les suivit.

A Paris, les deux sœurs vécurent ensemble affectueusement : elles étaient intelligentes et ne se ressemblaient pas. Elles se délaissaient et se renouvelaient mutuellement l’esprit. Mm* de Farcy, mondaine, animée, tenant l’éventaiL comme un sceptre léger, avait une cour de gens de lettres. Delisle de Salles et Ginguené fréquentaient son salon. On y voyait le chevalier de Parny, sec et haut personnage, dur d’aspect, nullement fhomme de ses élégies ; mais les dames chuchotaient derrière lui le nom d’Êléonore. Lucile fut admirée un moment par Chamfort.

Un vieillard dominait tout ce monde de l’autorité de son âge et de son nom, M. de Malesherbes, qui avait marié sa petite-fille au frère aîné de Lucile. Savant et bon, il se montrait aux siens dans la majesté touchante d’un père de famille de Greuze ou de Diderot, avec un plus grand ton et une bonhomie plus fine.

Mm’ de Farcy tomba malade et devint pieuse. Elle s’écria, dans la nouveauté de sa dévotion :