Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/277

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jeune, et l’on a supposé que c’était un asile que le vieillard offrait à la jeune infortunée.

Elle devint veuve le if janvier 1797 et perdit bientôt après sa mère et sa sœur Julie.

Veuve, elle rentra dans la société de son frère, qui, revenu en France, rayé de la liste des émigrés, avait publié le Génie du Christianisme. Il était illustre et exerçait de hautaines séductions. Il avait sa petite troupe de fidèles. Lucile vit dans le salon de la rue Neuve-du-Luxembourg une élite d’esprits : elle y noua de précieuses amitiés avec M. Joubert et avec M™ Pauline de Beaumont. M. Joubert n’aimait rien qui ne fût excellent. Mme de Beaumont n’était qu’un souffle ; M. Joubert la comparait « à ces figures d’Herculanum qui coulent sans bruit dans l’air, à peine enveloppées d’un corps », mais sa vive intelligence s’enflammait pour toutes les bonnes et belles choses. Rulhière lui envoya un cachet sur lequel un bel arbre était gravé avec cette légende : « Un souffle m’agite et rien ne m’abat. » Dans la société de Chateaubriand on la nommait l’Hirondelle. Chacun avait son surnom. M. de Fontanes était appelé le Sanglier. Et c’était un sanglier d’Épicure, dans l’intimité, que ce maître de l’élégie classique et de l’éloquence officielle. Mmo de Vintimille avait un nom de jolie femme : on l’appelait Mauvais-Cœur. Le jeune Guéneau de Mussy, qui écrivit plus tard la vie de Roi-lin, était le Petit-Corbeau. On voulait le distinguer de l’illustre René, qui était le Grand-Corbeau. Il y avait encore un autre Corbeau,.M. de Chênedollé. Lucile le vit pour la première fois dans l’automne de 1802.

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