Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/294

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Sa nature et son instinct sont d’accord pour pousser aussi avant que possible dans le précis et le particulier. Son parti est si résolument pris que, s’il chante l’Italie, il n’évoquera pas d’ombres héroïques. S’adressant à quelque humble et belle paysanne, il lui dira :

Que m’importent à moi les souvenirs antiques… Et l’éternel laurier auquel je ne crois pas !

Mais conte-moi longtemps, jeune Napolitaine, Les noms harmonieux des arbres de ces bois ; Nomme-moi les coteaux avec chaque fontaine Et les blanches villas qu’à l’horizon je vois.

Et il voudra savoir mille autres détails encore, mille petits faits dont chacun n’est rien, mais qui, en s’a-joutant les uns aux autres, sont toute la vie.

11 voulut rendre intime et domestique l’ode même, qui, jusque-là, civique ou princiere, s’était toujours montrée noble et déroulée avec pompe : « Quand ton poêle s’éteint, » dit-il dans son ode au sculpteur David.

Dans l’élégie, il se sentit mieux à l’aise et poussa au détail avec toutes sortes de raffinements. Ni Lamartine, ni Vigny, ni Hugo, ni aucun autre poète français, n’avait encore tenté rien de pareil. Sainte-Beuve avait pris ailleurs les modèles. Philarète Chas-les, très versé dans la littérature du Nord, lui avait, dit-on, indiqué tous ces poètes anglais de génie à la fois simple et brave. Sainte-Beuve les connut et les aima. Il entra dans la familiarité des Shelley, des