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LE GÉNIE LATIN

cénacle, c’est-à-dire à l’assemblée des apôtres du romantisme. C’est que Victor Hugo avait déjà mis sa griffe sur le jeune rédacteur du Globe. Leur liaison datait des premiers jours de l’année 1827. Sainte-Beuve avait publié dans le Globe, les 2 et 9 janvier, un article sur les théories et les poésies de Victor Hugo. Le critique n’y montrait aucune tendresse pour l’esthétique du romantisme ; il reconnaissait à Victor Hugo « un talent supérieur », mais gâté par l’enflure. Il lui reprochait les « comparaisons outrées », les « écarts fréquents », les « t métaphores mal suivies », de « l’impropriété dans les termes », etc., etc. Je ne défile que quelques grains du chapelet. Victor Hugo alla remercier le critique. 11 faut avoir monté plus d’un de ces escaliers-là pour devenir pape. Sainte-iBeuve vit l’homme et fut vaincu, dompté. Hugo eut désormais un disciple de plus, j’allais dire un fidèle, mais il faut compter avec l’inquiétude d’une intelligence toujours à la piste. Lors de la publication de Joseph Delorme, Sainte-Beuve avait déjà Son coin dans le salon du chef d’école, ou, pour mieux dire, son prie-dieu dans la chapelle, derrière Vigny, les Deschamps et le peintre Boulanger1. Le charme du lieu agit sur son esprit.

1. « Entre les amis les plus assidus de la maison, deux venaient presque tous les jours : M. Louis Boulanger… et M. Sainte-Beuve, causeur aussi charmant qu’éminent écrivain… On venait finir la soirée rue Notre-Dame-des-Champs. M. Victor Hugo, prié par ses deux amis, disait les vers qu’il avait faits dans la journée. Ou c’était lui qui en demandait à M. Sainte-Beuve, lequel, contraint de s’exécuter et confus d’occuper de lui, recommandait à la petite Léopol-