Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gaieté, qu’il avait l’esprit de rendre bien bête pour qu’elle restât sourde et aveugle et ne se déconcertât de rien, après ces deux lettres je trouve un billet patriotique d’un accent âpre et fier. Pendant ce temps les papiers nécessaires au mariage arrivèrent ; le mariage fut célébré, sans cérémonie, non à l’église ni à la maison commune de Beaumesnil, mais dans la chambre où Glatigny était retenu par des douleurs lombaires qui n’avaient que trop.de connexité avec sa maladie de poitrine. Des tubercules se développaient dans ses reins comme dans ses poumons. Effroyable et lente désorganisation, dont le patient n’a conscience que par la souffrance, qui n’est nullement d’ailleurs en proportion du désordre interne ! Dans le cas présent une sorte de bravoure naïve faisait mieux encore que l’ignorance et donnait du cœur au malade. Quand on songe que cette douce et héroïque jeune fille, qui se donnait au poète malade, était malade elle-même et travaillée, moins cruellement mais non moins sûrement, par la même affection, on éprouve, je crois, un sentiment qui, tout en étant plus désolé, est moins amer. On se dit : Ils ne vivront ni l’un ni l’autre ; ils mourront ensemble.

« 24 janvier. « Mon cher frère,

« C’est fait. Avant-hier soir, le bon monsieur Benard m’a condamné au bonheur à perpétuité. Une douleur de reins, qui m’empêchait de marcher, a fait célébrer le mariage dans ma chambre. C’est M. Delaplace et Vannier qui servaient de témoins à Emma ; M. Degousy et son beau-père étaient les