Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/35

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sa belle-mère n’épargnait ni intrigues ni manèges pour avantager ses propres enfants aux dépens de ceux du premier lit. L’homme qui résistait au cardinal de Richelieu ne résistait pas à dame Françoise. Si rude batailleur qu’on soit dans la vie publique, on aime la paix chez soi ; quand on est vieux, quand une barbe blanche vous pend au menton, il est doux de passer la soirée tranquillement dans un fauteuil, les pieds sur les chenets. Et si dame Françoise, avenante et discrète, vous présente un verre de vin chaud parfumé de muscade râpée, si, les clés pendues à la ceinture, elle gouverne le logis en ménagère entendue, y fait régner l’ordre et l’économie, surveille tout, choses, bêtes et gens à pet ts pas qui ne font aucun bruit ; si, de plus, elle est en bon point et plaisante à voir, ne faut-il pas lui sourire, la laisser faire et dire, écouter ses plaintes et prendre son parti ? L’obliger, c’est s’obliger soi-même. L’exil d’un fils coûte peu quand elle le demande. Les enfants sont des ingrats ; ils n’ont point de respect ; ils font la débauche. Ils courent les bals la nuit et le jour les brelans.

Paul fut exilé de la maison paternelle. Le barbon l’envoya non au diable, mais à Charlcvillc, chez un parent. Trouva-t-il là une compagnie à son goût ? Il, est probable que les Ardennes lui parurent un peu bien sauvages. Après deux ans d’exil, il fut admis à résipiscence à la condition qu’il prendrait le petit collet. Il le prit. Ce n’était s’engager à rien et se rendre propre à jouir, à toute aventure, de quelque bénéfice. Paul Scairon était alors en voie de devenir un abbé d’alcôve. L’espèce commençait à paraître,