Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/38

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de Mme de Sablé. Les chapeaux tirés, le médecin s’informe civilement du malade. Celui-ci exposa son cas. Et l’autre : « Je vous ferai tenir demain matin, dit-il, une médecine toute prête à prendre, et soyez assuré qu’elle achèvera de vous guérir si promptement et si entièrement que deux jours après vous vous trouverez dans une parfaite santé. »

Scarron reçut en effet le lendemain une potion qu’il avala. Mais quelques jours après il ressentit une atroce douleur, comme si tous ses muscles brûlaient en même temps. Ses membres se contractèrent. Il resta perclus et ne garda de libre que les mains. Un rachitisme foudroyant lui tordit le cou et la taille ; ses jambes se replièrent et se desséchèrent. Suivant l’usage, on accusa la médecine de tout le mal. On traita le jeune praticien qui avait donné le remède d’apothicaire du diable et d’empoisonneur public. Il est probable toutefois que le poison, si poison il y eut, ne venait pas de la Faculté. Comment Scarron en reçut-il le germe ? Ce n’est pas, à ce que croit Tallemant, en étudiant la philosophie scolastique. Scarron ne savait peut-être pas lui-même de quelle part lui venait ce fâcheux présent.

Pendant ce temps, le conseiller, son père, achevait de se brouiller avec Richelieu, à l’occasion d’une nouvelle création d’office à laquelle il se refusait avec ses collègues Laîné, Bitaud et Salo. Il citait à ce propos l’apôtre saint Paul avec une telle intempérance qu’on ne l’appelait plus que l’Apôtre. Le cardinal exila l’Apôtre et le déposséda de sa charge. Sa femme, restée à Paris, y vécut maîtresse des biens de son