Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/45

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courut, à ce que je crois, chez Scarron pour parler à son aise. La pompe espagnole acheva de gâter tous les poètes, qui ne dirent plus rien de raisonnable. Ils parlèrent tous en matamores et en capitans. Le théâtre ne montrait que des héros amoureux. Et, chaque fois qu’un héros soupirait pour une bergère ou pour une princesse, le vent de ses soupirs courbait les arbres de toute la province. Pas de beaux yeux qui ne fussent des soleils.

On matamorisait tout autant à la ville, et les airs de tranche-montagne étaient de mise dans les salons. « J’ai usé plus de mèches en arquebuses qu’en chandelles, » disait le poète Georges de Scudéry. Et Cyrano de Bergerac racontait qu’un jour, à la porte de Nesle, il avait mis cent hommes en fuite. Plus tard, le vieux Corneille, se rappelant ces beaux jours, reviendra au goût de sa jeunesse et dira en deux vers qui effacent tout :

Quelque ravage affreux que cause ici la peste,
L’absence aux vrais amants est encor plus funeste.



Ce ton-là est difficile à soutenir et s’accommode mal avec le train ordinaire de la vie. Scarron fit parler les héros comme des portefaix. On remarqua que les héros avaient enfin le sens commun, et ce fut un grand soulagement.

Or, pendant qu’il écrivait des choses basses et vivait de l’Église dans le pays des chapons, Paul Scarron fit rencontre d’une dame de haute naissance, qui l’aida par la suite.

Marie de Hautefort, éloignée de la reine, qu’elle