Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/49

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avoir souffert pour les beaux yeux d’une marchande d’herbes, mais le libelliste ajoutait que le cardinal envoya Barillon dans l’autre monde au moyen d’une médecine.

On dit, on repéta que la mazarinade était de Scarron. Mazarin le crut, et lui, qui ne se fâchait guère, se fâcha cette fois. On continua de fronder chez le cul-de-jatte. Les facéties y arrivaient toutes fraîches : l’Avis des dix millions et plus, le Courrier burlesque de la guerre de Paris, la Juliade, le Ramage de l’oiseau et les Triolets de Saint-Amant. Ces triolets, tournés de main de maître, étaient hérissés de pointes contre Cyrano de Bergerac, qui était chatouilleux. Cyrano crut qu’ils venaient de Scarron, et le pauvre infirme eut, au camp des royalistes, un redoutable ennemi. Cyrano, buveur d’eau et brave, avait tué dix hommes en duel. Il portait sur son visage des témoignages irrécusables de ses exploits. Son long nez notamment était couturé d’une étrange manière et plus marqué d’encoches que ces planchettes sur lesquelles les porteuses de pain marquent avec leur couteau les crédits qu’elles font. Tout ennemi de Cyrano de Bergerac était un homme mort. Mais Scarron n’était pas de ceux qui vont sur le pré. Quelle mine y aurait-il faite, sur un tabouret, dans une sébille, en face d’une rapière ? Comment tuer un homme si malade ? Cyrano aurait donné beaucoup pour que Scarron fût fort comme un Turc. Il enrageait. Et, réduit à la plume en cette rencontre, il l’agita d’une furieuse manière. Il eut soin de donner à sa querelle une large envergure. Il s’adressa aux Parisiens et leur signala Scarron