tête ; il la savait pauvre ; il résolut dès lors de l’arracher au couvent et de l’emmener, comme sa femme, où il allait. Il ne se flattait pas d’être autre chose qu’un mari en peinture, mais il pensait que sa maison, partout où elle serait, vaudrait mieux qu’un cloître pour une fille d’esprit.
Son histoire, qu’elle lui conta avec beaucoup de grâce, était celle d’une pauvre enfant qui eut trop à se défier des hommes et de la vie. Francine d’Aubigné était petite-fille de ce Théodore Agrippa, grand batailleur, homme de ressources, bonne lame, bonne plume, mauvais compagnon, sans peur, sans scrupules, poète et brigand, honneur des lettres, peste publique, un des derniers tyranneaux de la France féodale, moins huguenot qu’on n’a dit, et assez traître, avec des poussées de rude honnêteté qui lui donnent une mine d’homme antique, de héros de Plutarque.
Son fils Constant, qui lui ressemblait beaucoup, ne le valait pas. Il essaya bien de vivre à la façon paternelle, à grands coups d’audace ou de ruse ; mais les temps étaient changés. Richelieu, que nous avons vu si rude pour d’honnêtes parlementaires, n’etaitpas homme à laisser la France déchirée par ces bandits de haute lignée. Constant, assassin, parjure et faux monnayeur, bon gentilhomme au demeurant, fut mis en prison à Niort, et il y resta. Là, déjà mûr, étant de bonne mine et de mauvaises mœurs, il séduisit aisément Jeanne de Cardilhac, fille du gouverneur de la prison. Comme il l’avait prise, il fallut bien la lui donner, ou plutôt la lui laisser. Il l’épousa en temps utile, et elle ne tarda pas à lui donner une fille.