Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/55

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Francine naquit dans la Conciergerie de Niort, le 27 novembre 1635. Le prisonnier fut relâché à quelque temps de là. Il quitta sa patrie, où il désespérait de montrer librement son génie, et s’embarqua pour la Martinique. Perdant la traversée, la petite Francine fut si mal qu’on la crut morte. On allait la coudre dans un pavillon et la jeter par-dessus bord. La mèche du canon s’allumait pour marquer par un coup l’instant de ces funérailles de mer. Sa mère voulut la voir encore une fois ; elle l’embrassa et s’écria : « Elle n’est pas morte ! » L’enfant, ranimée, ouvrit les yeux. Jeanne de Cardilhac avait toute l’amertume que donnent les fautes et les malheurs. Endurcie par une dure vie, elle n’eut point de tendresse pour la fille qu’elle aimait. Francine apprit à lire dans un gros Plutarque, et jamais un sourire n’éclaircit ces leçons. Constant d’Aubigné mourut à la Martinique.

L’enfant, ramenée en France, fut confiée à Mme  de Villette, sa tante. Ce fut un bel éclair dans la sombre enfance de Francine. La paix, la modestie, la charité, une chasre joie, régnaient dans le château de Murçay. Chaque jour, Francine, placée au bout du pont-levis, distribuait de ses petites mains l’aumône aux besaciers. Mais Mme de Villette était calviniste. Mme  de Neuillant, pour faire sa cour à la dévote reine Anne d’Autriche, fit retirer l’enfant à la huguenote et la prit chez elle afin de la convertir. Dans la maison de cette marraine avare, Francine, belle comme l’aurore, eutle sortds Peau-d’Âne. On l’envoya à la basse-cour. Tous les matins, un loup sur le visage pour lui conserver le teint blanc, un chapeau de paille sur la