Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sans beaucoup de méthode, et il ne faudrait pas le consulter avec trop de confiance. M. Marty-Laveaux en a fait une judicieuse critique, en 1853, dans la Bibliothèque de l’École des Chartes. Cette critique forme un essai assez étendu sur la langue de La Fontaine.

J’userai du lexique et surtout de Y essai. Mais je ne me propose pas de faire une étude complète de la langue de La Fontaine. Je veux seulement signaler à ceux qui sont curieux de style les curiosités les plus instructives du style des Fables. Je pèserai des mots, mais ces mots sont d’or, et la balance de l’orfèvre n’est jamais trop juste, sa pierre de touche jamais trop sensible.

La Fontaine aimait les mots et savait les choisir. On n’est écrivain qu’à ce prix. Les mots sont des idées. On ne raisonne justement qu’avec une syntaxe rigoureuse et un vocabulaire exact. Je crois que le premier peuple du monde est celui qui a la meilleure syntaxe. Il arrive souvent que les hommes s’entr’égorgent pour des mots qu’ils n’entendent pas.

Ils s’embrasseraient s’ils pouvaient se comprendre. Rien n’importe au progrès de l’esprit humain autant qu’un bon dictionnaire qui explique tout, comme fait celui de Littré. Mais entrons dans notre sujet.

Je n’aurai point de peine à indiquer les sources de la langue de La Fontaine. Ces sources sont dans les vieux conteurs et dans les vieux poètes : dans la reine de Navarre, dans Bonaventure des Périers, dans Amyot, dans Montaigne, dans Marot, dans Rabelais. Celui-ci, comme dit Budée, « possédait l’art d’écrire le plus profond et le plus varié ».