Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chevalerie lui parurent fort bons : il le confesse dans une jolie ballade :

Même dans les plus vieux je tiens qu’on peut aprendre. Perceval le Galois vient encore à son tour.

(Ballade sur la lecture des romans.)

Quand ce fut le tour du « Premier volume de Merlin, qui est le premier de la table ronde », notre poète rencontra cette phrase :

« Ainsi advient-il de plusieurs ; car tels cuident engigner ung autre, qui s’engignent eux mesmes. »

Le mot engigner ou engignier’ date du xn* siècle. Au xiii8, on trouve dans Henri de Valenciennes le même dicton que nous venons de voir dans le premier volume de Merlin :

« On dit pieça que teus (tel) cuide autrui engignier, qui de cel mismes engien ou de semblant est enginies. »

(xxiv.)

Engigner, engeigner, veut dire tromper. Le mot vient, comme engin, du latin ingenium. On trouve ingeniatus dans Plaute.

Le mot et le dicton parurent excellents à La Fontaine, qui mit l’un et l’autre en vers :

Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autruy, Qui souvent s’engeigne soy-mesme.

i. Je prends dans le Littré toute l’histoire de ce mot, y compris les exemples.