Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quant à la poésie de La Fontaine, s’il lui arrive d’être habillée à la mode de sa grand’mère, comme la Belle au Bois dormant, c’est, comme elle, sans le vouloir, ou du moins sans paraître y prendre garde, et, comme elle encore, c’est avec beaucoup de grâce.

Le fabuliste prenait le plus souvent ces mots dans le peuple. Malherbe renvoyait au Port-au-Foin ceux qui le consultaient sur la bonté d’un terme. La Fontaine ne perdait rien de ce qu’il entendait aux champs et dans la rue. Son meilleur fonds, le plus riche, celui qui ne lui manque jamais, c’est le langage populaire. Il en tire des mots expressifs comme lipée (i, f), comme souffleur.

Ce dernier mot désigne un alchimiste.

« Souffleur se dit d’un chercheur de pierre philosophale, qui a un fourneau et qui convertit son bien en charbon à la persuation de quelques charlatans qui lui font entendre qu’ils ont de beaux secrets. »

(Furetière.)

Cet excellent mot, qui peint si bien, est vieux. On le trouve dans un texte du xiv" siècle, cité par Littré :

Laissez fournaux, vaisseaux divers De ces souffleurs faulx et pervers. (Nat. à l’alcb.)

C’est bien avec la signification méprisante qu’il comporte que La Fontaine a employé ce nom :

Charlatans, faiseurs d’horoscope, Quittez les cours des princes de l’Europe : Emmenez avec vous les soufleurs tout d’un temps.